En candidatant à certains services civiques, j’avais toujours en tête « ça a l’air bien », « ça doit être intéressant »… Mais dès que j’ai lu le descriptif de cette mission, j’ai lu la mission de mes rêves, j’ai même refusé une autre mission dans l’espoir de l’obtenir, et par chance, je l’ai eue. Je n’ai eu que quelques jours pour me réjouir de la nouvelle que déjà il fallait que je parte, et la mission est allée au-delà de toutes mes attentes.

Zwekabin Myay, c’est un projet éducatif qui a aujourd’hui sept ans, et qui est destiné, dans un pays où l’enseignement n’est pas ou très mal soutenu par le gouvernement, à donner une formation plus structurée et plus intense à des jeunes gens, pour une durée de huit mois environ, suivie d’un stage.
Mon rôle là-bas, c’était celui du prof. Pour la première fois de toute ma vie, je passais de l’autre côté du miroir, de la chaise de l’étudiant à celle de l’enseignant. C’était déjà un changement assez grand et un challenge impressionnant, d’autant que les étudiants avaient à peu près mon âge (certains étaient même plus vieux que moi !).

Mais dès mon arrivée, je m’y suis senti chez moi. La Birmanie est un pays qui vit en communauté, et c’est le cas partout, y compris dans cette école. On s’appelle avant toute chose « brother », « sister », et on considère faire partie de la même famille, qui œuvre pour le même projet. Les étudiants cuisinent, les bénévoles aident à faire fonctionner l’école, les profs enseignent, l’équipe de management gère l’administratif et le financier. C’est main dans la main que l’école fonctionne, depuis maintenant 7 ans.

Depuis mon retour en France, on me pose bien sûr souvent la question « alors, c’était comment ? ». Que dire… C’était incroyable, c’était beau, c’était stimulant et parfois difficile, c’était aussi chaud et humide, enrichissant, bouleversant. C’est une expérience dont je me souviendrai toute ma vie. J’ai rencontré des personnes extraordinaires, qui vivent de peu de choses tout en étant heureuses, malgré une démocratie fragile, malgré la guerre civile. Elles m’ont accueilli à bras ouverts et fait découvrir des choses, des traditions et des endroits que peu d’étrangers ont eu l’occasion de voir en Birmanie. J’ai aussi énormément appris de la différence culturelle entre nos deux pays, ce qui m’a ouvert une réflexion sur moi-même, et calmé (je l’espère !) l’impatience que j’avais parfois, ou le stress qu’il m’arrivait de nourrir. On entend souvent dire des gens qui reviennent de longs voyages que cela les a transformés. Que ce soit une réalité ou non, et bien qu’il soit peut-être encore tôt pour le dire, je me sens légèrement différent de quand je suis parti, c’est vrai. Je me sens apaisé, je me sens aussi curieux de découvrir encore davantage ce pays fascinant, et je me sens heureux, d’avoir pu apporter ma petite pierre à l’édifice de ce projet si beau, et d’avoir connu des gens si fantastiques.

Il y a bien sûr eu quelques moments difficiles, eu égard au climat, à la vie sur place ou au challenge que posait l’enseignement à des élèves qui sont habitués à apprendre par cœur sans comprendre, par exemple. Mais les quelques obstacles qui se posent lors d’une telle expérience, je les vois comme des épreuves à surmonter qui finalement permettent de faire quelque chose de mieux encore.

On apprend avec le temps à dormir avec moins de confort, on s’habitue à des conditions d’hygiène plus restreintes, on s’efforce de toujours trouver de nouvelles méthodes pour que les étudiants comprennent tout en s’amusant. Par exemple, au début il m’était difficile de garder l’attention des élèves, d’autant que j’ai commencé avec des cours d’histoire, ce qui, soyons honnêtes, n’est pas traditionnellement la matière qui enjoue le plus les élèves. Mais en intégrant à mes cours des jeux de questions-réponses, des vidéos, des mises en situation, et plus tard même des interviews pour que mes élèves me racontent leur propre histoire, nous avons réussi à nous adapter ensemble, effacer les quelques freins qui au début se posaient comme barrière, pour finalement faire des cours convenant à tout le monde, dans la bonne humeur et le rire. Et c’est sans compter tous les moments hors de l’école, les soirs, les weekends et les vacances, qui m’ont permis de sortir du cadre strictement scolaire, découvrir le pays en profondeur, et tisser des liens encore plus forts avec mes élèves.

Je pourrai continuer des heures, et je répondrai avec plaisir à toutes les questions que l’on me posera sur mon service civique. Si je devais résumer en quelques mots mon séjour, je parlerais du surnom que me donnaient les étudiants : « Brother teacher Tim ». J’étais un de leurs frères avant même d’être leur prof, je faisais partie d’une famille avant de faire partie d’une école, et ce sera le cas pour toujours.
J’ai déjà tellement hâte de retourner les voir, dans leurs villages, pour voir ce que mes « bébés », comme j’aimais bien les appeler, sont devenus !

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