Voilà exactement cinq jours que j’ai quitté Silico Creek, et comme vous pouvez l’imaginer, il aura été très difficile de laisser derrière soi ces trois mois de vécu passé au sein de cette communauté tant séduisante. Quitter ces lieux et ces personnes pourtant devenus si familiers avec le temps, mais aussi se défaire de ces habitudes si fraichement acquises, cela ne peut avoir qu’un gout amer. Je ne pourrai jamais exprimer suffisamment le ressenti qui ressort de ce voyage. À vrai dire, je ne pense même pas que cela soit nécessaire. Au fond, je sais que chacun d’entre vous sera reconnaitre cette douleur que provoque la séparation d’un être avec des attaches ayant été solidement nouées. En ce qui me concerne, sachez juste que j’aurai entre autres réussi à intégrer cette communauté, à m’y faire adopter, et ainsi à y passer trois mois inoubliables. Et quoi qu’il arrive, que ce voyage n’est pas fini ; qu’il en est en fait qu’à ces débuts. Qu’on ne termine pas un livre, mais seulement un chapitre qu’on clôt pour ensuite ré-ouvrir. Car en effet, il ne s’agit ici que du commencement.

 

Je voudrais revenir rapidement sur la raison de ma présence à Silico Creek, et plus précisément sur ma mission et les responsabilités qu’elle engageait. Bien que vous trouverez dans les rapports précédents un contenu similaire, l’écrire aujourd’hui permet d’en faire une sorte de résumé-bilan. En voici donc le déroulement :

 

Le 9 aout, je parti rejoindre Laura et Victor déjà sur place depuis quelques jours. En théorie, nous savions tous les trois que nous partirions effectuer le suivi du projet Nirien Guaire de micro-finance initié quelques mois auparavant par Sabine et Mariane. En réalité, on savait encore très peu de ce qui nous attendait une fois sur place. A notre arrivée, on fut immédiatement mis dans le bain. On comprit rapidement qu’il nous fallait partir de zéro pour accomplir les taches assignées, étant donné que les entrepreneurs ne disposaient d’aucun outil servant à préserver si ce n’est qu’un échantillon de leur activité entrepreneuriale. D’ou en fin de compte, la contribution cruciale de Victor et Laura, qui malgré leur présence d’un mois, eurent un rôle primordial en ce qui concerne la formulation de la méthode comptable propre aux entrepreneurs et aux producteurs. Soyons leur reconnaissants donc, car sans ça, le suivi aura incontestablement été différent.

 

La méthode étant faite, il fallait maintenant la transmettre aux personnes concernées. Et visiblement, un mois n’aurait pas suffit. À ce moment, je décidai donc de prolonger mon séjour à Silico Creek, et ainsi d’assumer le solidification du projet jusqu’à novembre.

 

Il peut paraitre étrange qu’ayant reçu une formation en science politique, je me sois retrouvé à donner des cours de comptabilité en espagnol à nos entrepreneurs. Et il est vrai que je n’aurai pas été choisi pour effectuer cette mission, mais au contraire, que je me la serai bien approprié. Toujours est il que ce choix, ce paradoxe, je l’assume sans complexe. Pendant ces trois mois, je sais que je me serai donné les moyens d’avoir un impact là ou peut-être un étudiant en commerce aurait fait office de figuration. En effet, après mettre fait des listes de vocabulaire en espagnol à n’en plus finir, j’ai appris ce qu’on peut  appeler la « logique comptable » au travers d’un bouquin destiné à cette fin. Des plus qualifiés, je ne l’étais donc peut-être pas ; des plus rigoureux et investis, je l’étais sans aucun doute.

 

À partir de septembre donc, une fois Laura et Victor partis, je formulai mon plan d’action pour les deux mois à venir. Il allait se diviser en sept opérations, l’interprétation des résultats s’appuyant sur un prélèvement comptable réalisé à chaque début de mois.

 

  1. Apprentissage à l’utilisation des grilles comptable (Comment remplir les grilles ?)
  2. Interprétation des résultats #1
  3. Explication à l’utilisation de la méthode comptable (Pourquoi remplir les grilles ?)
  4. Interprétation des résultats #2
  5. Observation (Quel degré d’autonomie chez chaque entrepreneur ?)
  6. Interprétation des résultats #3
  7. Conseils

 

Bien que cela puisse paraître un peu abstrait, il faut comprendre que la caractéristique fondamentale à ce genre de mission est bien sa longévité. En d’autres termes, il est quasi-impossible de constater quoi que ce soit sans le prélèvement mensuel de la comptabilité. C’est pourquoi le conseil en ce qui concerne par exemple la gestion des coûts sur les achats ne vient que tardivement dans cette démarche. C’est seulement lors de mes dix derniers jours que j’ai pu constater les erreurs « périodiques » de mes entrepreneurs. Avant ca, tout n’était encore qu’apprentissage et mise à l’épreuve.

 

La méthode décrite , j’en viens maintenant aux résultats. Sachez avant tout qu’en ce qui concerne les remboursements des entrepreneurs, nous avons fait un quasi sans faute ; que d’août jusqu’à novembre, tous les entrepreneurs ont su rembourser leur mensualité, certains avec seulement des délais exceptionnellement accordés. Autant dire que pour l’essentiel, ce projet est donc officiellement lancé.

 

En ce qui concerne la comptabilité, le constat reste plus mitigé. En effet, sur les sept entrepreneurs magasiniers, je considère que quatre seront normalement, je dis bien normalement, en mesure d’utiliser leur comptabilité indépendamment et à des fins d’optimisation. Les trois autres, faute d’avoir été suffisamment bon pédagogue, nécessiteront encore l’aide du prochain volontaire désigné pour assurer la tâche du suivi.

 

Quant aux producteurs, je m’étais déjà exprimé là-dessus, je considère que ni le temps, ni mes compétences auraient permis un soutien efficace à leur gestion entrepreneuriale. C’est pourquoi je me serai contenté de créer un simple registre afin de leur permettre un suivi mensuel de leurs rentrées et sorties d’argent. Qu’ils l’utilisent ou non, j’ai constaté qu’il n’était pas difficile de toute manière d’obtenir un aperçu de leur résultat mensuel, vu la simplicité de leur structure respective.

 

Par ailleurs, Orlando, un jeune de la communauté, aura aussi était formé afin de récolter les remboursements et de collecter la comptabilité chaque premier du mois. Il sera épaulé un temps limité par Alfredo, actuel secrétaire du comité de crédit, surtout en ce qui concerne le remplissage des grilles comptable. Il est prévu qu’à partir de Janvier, d’autres stagiaires de l’organisation arrivent sur place pour continuer le travail de suivi, et pour étudier les probabilités de s’étendre sur d’autres parties de la comarca.

 

Me voilà donc à la conclusion. Que dire ? Je pense sincèrement que le projet Nirien Guaire est un projet au potentiel énorme, et qu’en continuant ainsi à envoyer des stagiaires sur place, nous pourrions sans problèmes élargir ce processus de prêt à d’autres communautés de la région. Nous avons certes toujours pas vécu de situations de crise, mais après avoir côtoyé pendant trois mois chaque entrepreneur, j’ai confiance en l’idée qu’on arrivera à terme des remboursement des prêts actuellement en circulation.

 

Je pourrais écrire un roman en plus sur mon expérience personnel vécu à Silico Creek, mais ni vous ni moi en avons envie à cette heure-ci. Je me contenterai juste de conseiller à quiconque en a l’opportunité de partir effectuer ce type de mission à l’étranger. Seul ou en petit groupe, c’est vraiment dans ce genre de circonstances qu’on en apprend le plus sur les autres, mais surtout, surtout sur soi-même.

 

Je voudrais enfin remercier une dernière fois ces gens ayant rendu ce voyage possible : Mariane Béhar, Sabine Buttin, et Renaud Miniaou ; sans oublier ce l’ayant rendu si fantastique: Eduardo, Arnoldo, Jaime, Alfredo, Emilio, Alexis, Adelia, Harris, et tout le reste du village de Silico Creek. Ce sont des gens formidables !

 

Jatuaida !

 

Hasta luego !

 

A bientôt !