Je me suis immergé auprès des réfugiés Karens pendant 6 mois. J’ai été enseignant dans un centre qui a pour ambition de former des élites communautaires et politiques. En y allant, j’ai pensé que l’apprentissage du droit international pouvait favoriser, à l’échelle qui est la nôtre, une construction plus sereine de la paix.
J’ai découvert une crise oubliée. Trois générations d’une minorité qui n’ont connu que la guerre civile. 100.000 réfugiés à la frontière thaï, coincés depuis des décennies et qui sombrent progressivement dans la sous nutrition. J’ai découvert que les réfugiés projettent leurs espoirs sur des acteurs internationaux idéalisés (Nations-Unis, États-Unis) et qu’en même temps des activités karens de plaidoyer se mettent en œuvre en Birmanie. J’ai aussi découvert que le récent cessez-le-feu n’inspire pas confiance, que beaucoup de Karens souhaitent reprendre le combat et que le processus de paix est plus fragile encore qu’il n’y paraît.
Voyant cela, j’ai élaboré un cours s’articulant de la manière suivante.
– J’ai déconstruit le fantasme des Nations-Unis en présentant les rapports de force qui se jouent dans cette institution ; droit de veto, principe de non-ingérence.
– J’ai posé des bases permettant de construire des activités de plaidoyer ; clarification du discours, syllogisme juridique, forces et faiblesses des différents engagements internationaux invocables.
– J’ai clarifié avec eux les droits et obligations des réfugiés avant d’évoquer les difficultés, à plusieurs égards, propres au contexte thaïlandais.
– J’ai exposé les obligations propres aux conflits armées, que tout soldat doit en tout temps respecter.
Ce travail a été accompli dans un contexte difficile de solitude et de manque de confort. Il n’a pu être réalisé qu’avec le soutien humain des autres bénévoles d’AIME, de sa direction et des responsables pédagogiques de l’école de Thoo Mweh Khee. Si il venait à être repris et approfondi, il favoriserait une sortie de crise digne pour les civils Karens et Birmans, victimes de la plus longue guerre civile que le monde ne connaisse aujourd’hui.