Il est 5 heures de l’aprem’. Allongé dans le hamac, j’apprécie l’air lourd et chaud qui pèse sur la communauté. Autour de moi, la jungle, quelques cabanes de bois, des milliers d’insectes et d’oiseaux, et des amis… Je profite tranquillement des derniers rayons de soleil, avant que l’obscurité tombe sur le village. Ce soir au menu, poisson frit, yanikeke et bollo.

Mais où suis-je ? Pourquoi ? Comment me suis-je retrouvé en haut de cette colline au milieu d’une épaisse forêt tropicale ?

Il est assez difficile de trouver un début à cette histoire. J’ai l’impression que c’est le résultat d’une longue série de conversations, de rencontres et de débats, et surtout le fruit d’une énergie collective mise au service des autres.

 

Mais avant de rentrer dans les détails, mettons la table. Nous sommes un groupe d’étudiants, mais avant tout d’amis réunis sous les couleurs du drapeau québécois dans la ville de Montréal. La plupart d’entre nous étudions a HEC Montréal, incubateur de talents pour le monde des affaires. Alors que nous progressons dans notre programme d’étude, nous réalisons de grands apprentissages, mais nous nous demandons où tout cela va nous mener ? Vers une carrière type dans le monde la finance ? Vers de gros bonus à la fin de l’année ? Non. Une chose est certaine : nous voulons profiter de toutes les connaissances que nous avons acquises pour nourrir autre chose que notre compte en banque boulimique. Donner une dimension sociale et humaine à notre carrière est quelque chose qui motive à chacun d’entre nous. Pourquoi ne pas mobiliser notre savoir et notre énergie pour favoriser le bien être de ceux qui n’ont pas eu la même chance que nous et qui vivent dans les conditions difficiles quotidiennement ? Pourquoi ne pas entreprendre quelque chose qui puisse diffuser des valeurs d’entraide et d’amour ? Pourquoi ne pas colorer d’humanisme et de solidarité notre carrière professionnelle ? Et si on se motivait nous même et on créait une association ?

Voilà. AIME est né. Autour de la table du salon, au XX de la rue Dolbeau, Mariane, Angélique, Laura, Jemil et Julie viennent de créer l’Association Internationale de Mobilisation pour l’Égalité. Woaw. Gros début. Ca part sur de bonnes bases.

Quelques mois plus tard, à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, AIME est déjà en pleine activité avec une première mission dans le domaine de l’éducation. Pendant ce temps la, de l’autre coté de la planète, une autre mission nait au Nicaragua. Retour a Montréal avec des résultats très encourageants.

Étant grand supporter de AIME et spectateur de toute cette ébullition, j’étais ravi que la l’asso soit lancée et j’avais beaucoup envie de m’investir ! Quelques petits tours du destin plus loin, je me lance dans AIME et je tente de développer la structure via le profile Entrepreneur de HEC Montréal. Pendant toute une année, l’ensemble des membres de AIME travaillent solidairement pour faire progresser l’association. En quelques mois, on vit des centaines de bons moments, on reçoit des centaines de sourires et des milliers de visites sur notre nouveau site web. AIME prend un peu de poids et gagne en visibilité avec un énorme succès du concert Full Moon. En continuant dans l’ambiance décontractée et amicale qui fait notre force, on planifie plus formellement une nouvelle mission : GRANDIR ENSEMBLE PANAMA. Comme dans tout projet, on vit de très bons moments et on reçoit plein de bonnes nouvelles, mais le lendemain tout s’effondre, puis tout recommence, puis on prend une grosse claque dans la gueule puis tout recommence, puis … on se retrouve allongé dans un hamac dans la jungle dans une communauté indigène du Panama. Voila la puissance et la simplicité de AIME : motiver des jeunes à investir du temps et de l’énergie pour aider leur prochain tout en prenant un maximum de plaisir.

 

Cette communauté où nous sommes s’appelle Silico Creek. Une quarantaine de maisonnettes, le plus souvent faites de bois et de palmes, une école, un terrain de foot, des centaines de poules et quelques porcs, une petite rivière, quelques collines et environs 500 personnes qui vivent dans une simplicité parfois frappante. Des sourires inoubliables, des cris d’enfants qui ne s’arrêtent jamais, et des apprentissages au quotidien… Voila ce que l’on reçoit quand on a la chance de partir en mission avec AIME.

 

Mais le plus important est l’échange qui s’opère entre un groupe de jeunes étudiants « occidentaux » et des indigènes Ngöbe. De notre coté, nous travaillons dur pour pouvoir mettre en place des projets qui puissent à moyen et long terme avoir un impact sur leur condition de vie, nous investiguons, nous nous réunissons, nous brainstormons, pour être les plus efficients possible dans ce contexte. D’un autre coté, chaque jour est rempli de nouvelles découvertes culturelles, culinaires, artisanales, linguistiques, et de grands moments de partage. Vivre près de 3 mois dans des cabanes de bois sans électricité au milieu de la forêt est une expérience inoubliable. Inoubliable ! Et vivre ces moments la entouré de ses amis est une chance unique.

Si les habitants de cette communauté profitent des résultats de notre travail autant de ce que nous profitons de cette expérience, alors on peut dire que nous avons changé leur vie. Ce qui est sur, c’est qu’eux ils ont changé la mienne.

Renaud Miniaou