Aujourd’hui cela fait 6 mois et 1 jour que je suis parti.

Cela fait 6 mois et 1 jour que je vis un rêve éveillé. Quelle ironie, dans un monde où il est difficile de rêver lorsque le but premier est de subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille.

Les volontaires, Justine, Romieu, Eloha, Maxence, Élodie, Léonardo, Marie et moi-même avons cette chance : profiter de cette expérience dans laquelle nous nous sommes lancés. Avoir accès à une culture, une mentalité, un mode de vie qui jusqu’à la veille de notre départ nous étaient complètement inconnus.

Cela fait pourtant 6 mois et 1 jour que je me rends compte, en découvrant ce pays et ses facettes, que j’ai toujours connu ce mode de vie, inconsciemment, au fond de moi. C’est d’ailleurs grâce à cette découverte que je me découvre moi-même un peu plus chaque jour.

Dans les pays occidentaux, là où les priorités ne sont pas les mêmes, certaines personnes ont décidé d’adopter une mentalité visant à vivre au jour le jour. Ils utilisent le terme de “Carpe Diem”. Quelle connerie ! Cette envie de vivre au jour le jour permet à ces gens de se construire un sentiment de liberté, qui est en faite complètement factice. Une liberté qui reste aliénée par le capitalisme, le besoin de production, de consommation et de démonstration toujours plus intensif.

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"Je vis aujourd’hui pleinement chaque instant, chaque rencontre, chaque opportunité car je ne sais pas où je serai demain" : Témoignage de Antoine UGUEN à Djarama au Sénégal 19

Vivre au jour le jour, là où je vis depuis 6 mois et 1 jour, a un tout autre sens. Ce mode de vie n’a aucun lien avec quelque sorte de recherche de liberté. Ici les gens vivent au jour le jour, car il n’y a pas d’autres manières de vivre.

“Je vis aujourd’hui pleinement chaque instant, chaque rencontre, chaque opportunité, car je ne sais pas où je serai demain”. Ici les gens arrivent dans vos vies, puis s’en vont ; ils viennent, ensuite, ils partent ; ici les gens vivent, puis les gens meurent.

Cependant, chaque instant de partage et de générosité, eux, restent. Ces moments-là, eux, ne s’en vont pas. Ces souvenirs-là, eux, sont gravés dans mon esprit et mon cœur.

Quelle meilleure éducation aurais-je pu espérer ?

Après 6 mois et 1 jour ici, comment ne pas devenir humble ? Après une expérience comme celle-ci, en compagnie de personnes qui n’ont pas eu accès aux mêmes clés, à la même école de la vie que la mienne, comment ne pas grandir ? Comment ne pas sentir son cœur se serrer autant de joie que de tristesse ? Comment devenir plus humble encore ? Comment ne pas pouvoir tirer des leçons de vie auprès de l’ensemble des personnes qui m’entourent aujourd’hui ? Comment ne pas pouvoir apprécier aujourd’hui chaque petit instant de la vie ?

Comment faire pour revenir chez moi, changé, transformé, et essayer de faire comprendre mon expérience aux personnes qui sont restées ?

Peut-être en leur partageant ce texte, ces quelques lignes qui reflètent une infime partie de ce qui se passe dans ma tête et dans mon cœur depuis aujourd’hui 6 mois et 1 jour.

Le manque des miens devient aujourd’hui difficile à gérer,

Ce matin, mon cœur est empli de chagrin.

Malgré cela, je me dois d’avancer,

Car je suis sur le bon chemin.

Antoine UGUEN, Toubab Dialaw, Sénégal, 15/03/2023.
Mangi don nit bou ndaw si adouna bi. Damai set sama nofly rek ; Sénégal mangi fi.

(Je ne suis qu’un petit être dans ce monde. Je cherche seulement mon bonheur ; Sénégal, je suis là).