Partir en mission humanitaire, c’est un rêve pour beaucoup. 

Malheureusement, peu de personnes sont ceux capables de le réaliser ; tout le monde n’a pas l’opportunité d’effectuer un projet d’une telle ampleur dans sa vie, et l’envie de s’engager se heurte fréquemment aux réalités du quotidien. Les raisons en sont nombreuses, entre manque de moyen financier, mauvais accès à l’information, ou découragement face aux procédures. Mais l’obstacle principal, c’est le temps. Partir en mission humanitaire ne se fait pas sur une courte durée : il faut en général compter au moins six mois.

Organiser un séjour aussi long, pour partir à l’autre bout du monde, demande une longue préparation en amont, d’avoir de la disponibilité et aucune obligation empêchant le départ. Entre les études, le travail, et la famille, partir apparaît ainsi souvent comme un rêve inaccessible, abandonné par dépit ou constamment remis au lendemain. 

Pour pallier cet obstacle, beaucoup se tournent alors vers une solution de repli en choisissant d’effectuer une mission humanitaire de courte durée. Un mois ou deux, voire moins, casée entre deux stages ou le temps des vacances d’été. 

Les missions humanitaires à courtes durées sont pourtant fortement déconseillées. Chez AIME, nous privilégions des séjours plus longs pour nos volontaires – entre six mois et un an en général, et jamais moins que trois. 

Pourquoi est-il alors important de favoriser des missions longue durée, et de refuser la bonne volonté des personnes souhaitant s’engager sur seulement quelques semaines (c’est mieux que rien me diriez-vous ?) ? 

Il convient de ne jamais oublier que l’intérêt principal d’une mission de volontariat, c’est l’impact apporté sur place, auprès de l’association locale. 

Or l’importance de cet impact est directement proportionnelle à la durée de la mission. Partir un mois ou deux ne présente que très peu d’intérêt puisque le volontaire, reparti aussi vite qu’il est venu, n’a pas le temps de s’impliquer véritablement. Sa formation est réduite au minimum syndicale, et son impact aussi. 

Pire encore, ce genre de missions peuvent même alors être contre-productives. Prenez cet exemple, décrit par le sociologue Van Egen dans son article The cost of short-term missions, The Other Side (2000). Il raconte le témoignage d’un docteur travaillant dans une clinique au Nicaragua pour les familles démunies de la région, accueillant chaque année des volontaires étudiants en médecine aux Etats-Unis pour une durée d’un mois. La formation de ces derniers, et la préparation de leur arrivée, lui prenait tellement de temps que ceux-ci le ralentissaient plus qu’autre chose. Il n’acceptait de les recevoir que car l’organisation qui les envoyait était aussi un sponsor majeur de la clinique…

Partir sur une durée courte, c’est donc prendre le risque d’handicaper l’organisation hôte. Pourquoi, alors, celle-ci choisirait-elle d’accueillir des volontaires dans ces conditions ? Pour en apprendre plus, vous pouvez vous renseigner sur le concept de volontourisme sur notre blog ou sur le site de France Volontaire. Pour la faire courte : le volontourisme, c’est une pratique consistant à vendre des séjours mêlant tourisme et humanitaire dans le but d’engranger des profits. Mission à courte durée et volontourisme sont indissociables, puisque bien souvent ces missions sont proposées dans l’unique objectif de faire payer le volontaire. Partir plus longtemps permet en général d’éviter ce phénomène.

Mission humanitaire n’est pas synonyme de vacances.

Une autre raison, plus spécifique, d’abandonner les missions courtes touche au travail auprès des enfants. C’est une des formes de volontariat les plus populaires, pratiquées dans les écoles ou les orphelinats. 

S’engager dans une telle mission requiert un soin extrême pour s’assurer de ne pas rejoindre une organisation de volontourisme, car ce sont ce genre de missions qui présentent les risques de dérives les plus importants.

C’est ainsi dans ce cadre que les missions à courte durée sont les plus déconseillées. Exposer les enfants en orphelinat à une succession de volontaires, avec qui ils forment des liens émotionnels avant de les voir rapidement partir, génère des troubles de l’abandon et des traumatismes à long terme. Les enfants se retrouvent privés de toute stabilité émotionnelle, ce qui affecte leur capacité future à former des connexions avec d’autres personnes.  Pour en apprendre plus, vous pouvez lire l’article de 2016 de Georgette Mulheir dans le Huffington Post : “Voluntourism Harms, Not Helps, The World’s Orphanage Children”, ou bien l’article de Sara Dillon : “Time for a Truth-Based Policy: Humanitarian Access to Children Living Without Family Care”, publié dans le Florida Journal of International Law.

Les missions à courtes durées ne sont cependant pas déconseillées que pour leur impact plus que discutable sur le terrain : un autre problème qui émerge est celui du manque d’immersion culturelle pour les volontaires.
C’est souvent l’une des motivations qui revient le plus chez les jeunes désireux.euses de s’engager à l’international : faire l’expérience d’un pays nouveau, d’un mode de vie étranger, d’une langue unique… Ce désir symbolise l’attrait pour l’aventure, le saut dans l’inconnu, l’envie d’explorer et de se tester. Une telle ambition est louable et nécessaire pour être prêt à s’embarquer dans une mission humanitaire, et montre que de tels voyages ne profitent pas qu’aux populations locales, mais aussi aux jeunes volontaires. 

Or, avec une mission à courte durée, cette immersion disparaît. Deux mois, voire moins, c’est souvent loin d’être suffisant pour s’imprégner d’une culture ou apprendre une langue. Ce sont des vacances, et non une véritable expérience de vie. Et ce d’autant plus que les associations de volontourisme, en général celles qui organisent des séjours à courte durée, ont tendance à brider la liberté des volontaires et à limiter leurs interactions avec les locaux (lire “Re-conceptualizing volunteer tourism organizations roles: A host perspective”, publié dans Tourism Management Perspectives, pour approfondir).

Un autre aspect à prendre en compte, c’est le coût carbone du voyage. Prendre l’avion pour traverser la planète a un impact écologique ; si cet impact peut se justifier dans le cadre d’une mission humanitaire de plus de 6 mois, c’est beaucoup moins le cas pour un voyage qui n’en que quelques semaines. 

En conclusion, même si ce n’est pas ce que beaucoup préféreraient entendre, partir sur des missions de courte durée, c’est fortement déconseillé.
Comment alors allier envie de s’engager et manque de disponibilité long-terme ? 

Il ne faut pas oublier l’option du bénévolat local, au coin de la rue en bas de chez vous, quelques heures par mois ou par semaine. Maraudes, distribution alimentaire, aide aux devoirs, volontariat au SAMU… Les possibilités sont nombreuses.  

Si ce sont des thématiques humanitaires internationales qui vous motivent, difficilement compatibles avec un engagement local, la meilleure option reste le don financier. Les ONG sont de plus en plus nombreuses à appeler à faire des dons plutôt qu’à se lancer dans un volontariat humanitaire souvent inefficace. Vous pouvez aussi monter vos propres initiatives – campagnes de levée de fonds à destination d’un projet qui vous parle, actions de sensibilisation dans votre ville, organisation d’events et de discussions… S’engager peut prendre de multiples formes.